André Jacquemin – Peintre-Graveur lorrain du XXe
Publié par Jean-Marc Fischer le
André Jacquemin est un de nos artistes coup de cœur. J'ai eu la chance de le rencontrer vers la fin de sa vie et, toujours l'esprit très alerte et jeune malgré son âge, il s'intéressait au monde, aux gens, était plein de projets d'avenir, d'idées d'expositions futures et gardait constamment le crayon prêt pour des croquis sur le vif. Sa gravure, très fine, représente bien les paysages de la campagne lorraine et en particulier ses paysages enneigés font ressentir tout le froid et la mélancolie de l'hiver lorrain par petites touches ombrées. Il croque aussi les personnages d'un trait vif, sans fioriture, comme nous pu le voir faire pour son arrière petite fille encore nourrisson dans les bras de sa marraine.
Nous avons le plaisir de présenter à la Librairie Jeanne Blonde tout un ensemble d'ouvrages et d'œuvres, certaines rares, où vous pourrez juger du talent de l'artiste et peut-être trouver votre bonheur ou du moins découvrir ce maître graveur du XXe.
André Jacquemin né à Épinal le 3 septembre 1904 dans une famille de traiteurs, second d’une fratrie de trois enfants.
Dès l’école primaire il est célèbre chez ses condisciples pour la qualité de ses dessins. Un ami de la famille, l’architecte spinalien Louis Ernest Mougenot-Méline, impressionné par ses aptitudes de dessinateur, obtient que ses parents acceptent de l’envoyer étudier à l’École des Beaux-Arts à Paris. Il devient l’élève de Charles Albert Waltner (1846-1925) et de Jean-Paul Laurens (28 mars 1838 - 23 mars 1921) au début des années 1920. Sa vie parisienne lui permet de découvrir non seulement les Musées et leurs collections d’œuvres des Maîtres du passé mais aussi les artistes contemporains. Il s’amusait à raconter sa découverte de Picasso au travers d’une gravure qui l’avait fasciné, « Le repas frugal », mais ajoutait, avec un sourire mutin, qu’il n’avait pas pu se l’offrir ...
Après son service militaire effectué en 1925, il crée en 1928 avec avec onze autres graveurs (dont Yves Alix, Amédée de La Patellière et Robert Lotiron), la Société de la jeune gravure contemporaine. Il obtient simultanément en 1930 le prix de la fondation Florence Blumenthal et une bourse de voyage de l'état qui lui permettent de partir pour 14 mois au Maroc en passant par l’Espagne accompagné par son ami le peintre Pierre Lepage (1906-1983). Les splendides paysages marocains, Fès, Meknès et les montagnes de l'Anti-Atlas sont pour lui un choc esthétique majeur et il en ramène des gravures orientalistes et des aquarelles subtilement colorées.
De retour en France sa carrière s’accélère. En 1932, la galerie Simonson lui consacre sa première exposition personnelle et il devient sociétaire de la Société des peintres-graveurs français, parrainé par Jean Émile Laboureur (1877-1943) et André Dunoyer de Segonzac (1884-1974), son père spirituel.
Il obtient, en 1936, le grand prix national des arts, attribué pour la première fois à un graveur et, en 1937, il représente la gravure française à la Biennale de Venise.
En 1938, la Société des Bibliophiles franco-suisses lui commande l'illustration d’une édition d’art du célèbre roman de Maurice Barrès, La Colline inspirée, (1941, 83 eaux fortes originales de Jacquemin et tirée à 120 exemplaires), roman qu’il rêvait d’illustrer. Il terminera son œuvre durant son séjour à Vaudéville, petit village proche de Sion. Le défit est majeur : 83 planches originales gravées en seulement 2 ans. C’est l’occasion pour lui, à la fois d’illustrer son cher pays lorrain, en particulier la région de Sion, qu’il connaît si bien, et d’entamer une carrière d’illustrateur de livres d’art.
Il devient ainsi un illustrateur consacré et illustrera 31 livres d’auteurs tels que Colette, Giono, Michelet, Malraux, Verhaeren, Bernanos …
Pendant la guerre il réside à Vaudéville, dans un manoir du XVIIe, et dessine et grave les paysages de sa « période lorraine ».
Après la guerre, quittant la Lorraine, il découvre dans le Velay une ancienne maison forte du XVIe, la maison forte de Cheyrac, acquise en 1946 et restaurée par ses soins, dont il fait un lieu de villégiature et un atelier. Il aimait y montrer aux visiteurs une clef de voûte portant un tau grec gravé qui signifierait qu’un alchimiste y aurait découvert la pierre philosophale.
Il touche aussi à la philatélie et, en 1952, grave en taille douce, la série de 6 timbres consacrée aux Jeux olympiques d’Helsinki.
En 1953, pressés par ses nombreux amis spinaliens, il accepte de prendre le poste de Conservateur du musée d’Épinal à la suite du décès de son ami le sculpteur Henri Guingot (1897- 1952). Son action énergique permet une refonte et une modernisation du Musée ainsi qu'un enrichissement des collections, le faisant consacrer Musée international de l’imagerie.
Il prend sa retraite de Conservateur en 1974 et retrouve la capitale où il continue son œuvre tout en participant de nombreuses expositions et rétrospectives : la BNF en 1981, la monnaie de Paris en 1983, Le musée du Luxembourg en 1989, le Conseil général des Vosges en 1990 ...
Il est élu en mars 1981 à l'Académie des Beaux-Arts, section gravure, au fauteuil du peintre-lithographe Pierre-Eugène Clairin.
Il s’éteint le 16 janvier 1992 à Paris laissant derrière lui une œuvre graphique considérable : 2000 gravures, 6000 dessins, des livres illustrés, des aquarelles et des pastels, un vaste ensemble de paysages, bêtes, visages, nus, ... gravés sur le cuivre ou dessinés sur la feuille avec élégance.
Bibliographie :
- Sa notice avec la liste des ses œuvres à la BNF [en ligne].
- Son article sur Wikipédia [en ligne].
- Le beau site qui lui est consacré par sa famille : André Jacquemin – Peintre-Graveur [en ligne].
- "André Jacquemin" par Pierre Dehaye, Éditions Serpenoise & Presses Universitaires de Nancy, 1986.
- « André Jacquemin, Partie choisie de l’œuvre - Étude dialoguée entre Georges Charensol et l'artiste », Malakoff, 1980.
- Gisèle Lambert en collaboration avec Anne Monestier Jacquemin, « André Jacquemin de l'Institut, L’œuvre gravé, Catalogue raisonné », Serge Domini éditeur, 2010.
- L’article de Claude Bouret, « André Jacquemin- Catalogue raisonné » in Nouvelles de l’estampe, 2011, Comptes rendus, p. 78-79 [en ligne].
- André Jacquemin : [exposition], Bibliothèque nationale de France, Paris, 29 avril-27 mai 1981, préface de Georges Le Rider [en ligne] et disponible sur Gallica [en ligne].
- Sa notice sur le site du Comité des travaux historiques et scientifiques, Institut rattaché à l’École nationale des chartes [en ligne].
- La présentation de l’exposition qui lui a été consacrée en 2010 au Musée d’Épinal : "La Lorraine, trait pour trait", un hommage au plus grand graveur Lorrain du XXème siècle [en ligne].
- L'article de Vosges Matin "L’œuvre du graveur Jacquemin cherche un site pour s’exposer" [en ligne].
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