[Anonyme] [de LIGNAC Louis-François] "De l'homme et de la femme, considérés physiquement dans l'état du mariage" [2 volumes]

Intéressant ouvrage de sexologie du XVIIIe qui ne cache rien.

Éditeur : J.B. Henry, Imprimeur-libraire, Lille, 1772. Première édition.

Deux volumes in-12 (10 x 16,5 cm). Reliures plein cuir havane marbré de l'époque. Dos à 5 nerfs avec pièces de titre rouge et titres dorés, pièces de tomaison noires et tomaisons dorées très effacées ; fleurons dorés dans les caissons. Toutes tranches rouges. Défauts aux reliures : frottements avec des épidermures, coins frottés ; au tome 1, coiffe et pied fortement abîmés, mors du premier plat fendu sur environ 6 cm et du deuxième plat sur toute sa longueur ; au tome 2, coiffe abîmée. Intérieur avec papier jauni et quelques taches et rousseurs. Au tome 1 mouillures claire au coin inférieur des pages depuis la page 49. Tome 2, a été mouillé avec la reliure qui a un peu gondolé : mouillures claires aux coins inférieurs en début de volume puis aux coins supérieurs et à la pliure des pages, touchant aussi les planches. Bon exemplaire malgré les défauts signalés. 

Tome 1, XII pages (Titre, Avertissement), 384 pages. Collation : a6 A-Q12

Tome 2, 485 pages, complet de ses 12 planches à pleine page insérées entre les pp. 484-485 (mouillures plus marquées sur les planches 2, 7, 8, 9, 10, 11 et 12) et 3 pp. non paginées in-fine (Privilège du Roi, Approbation). Collation : A-V12 X4.

Dans l'Avertissement (p. IX) l'Auteur nous précise que le premier volume traite de "l'histoire de l'Amour dans la société" et que "C'est à la seconde partie que commence l'histoire de l'Amour proprement dit."

Le Tome 1 commence par une Introduction qui donne l'occasion à l'auteur de se désoler des mœurs de son temps (en particulier le libertinage) qui mènent à la dégénérescence : "... nous voulons que le plaisir nous accompagne sans cesse. Il n'est plus chez la plupart des hommes un délassement de leurs travaux ; il leur devient un besoin nécessaire à chaque instant, & en même temps un travail au dessus de leurs forces. C'est en suivant pas à pas cette vérité qu'on trouvera la cause sensible de la dégénération de l'espèce humaine." (pp. 1-2). Son objectif est de "leur [les hommes] faire entrevoir le chemin de l'Amour Conjugal." et de "les détacher insensiblement de ce que l'ardeur des passions leur fait prendre pour le plaisir." Chapitre I : l'histoire des Tempéramens pour que "Chaque individu sache apprécier ses facultés physiques relatives au mariage.". Chapitre II, le Tempéramen relatif au célibat. Chapitre III, les Narcotiques capables d'anéantir jusqu'au sentiment de l'Amour. Chapitre IV, les substances que l'on croit capables d'exciter vivement l'homme au physique de l'Amour et les effets funestes qu'elles peuvent produire. Chapitre V, l'Impuissance. Chapitre VI, Du Congrès, épreuve humiliante, abolie en 1677, pendant laquelle l'homme, assigné par la femme, doit montrer en public qu'il n'est pas impuissant (voir : « Une curiosité vaine et indiscrète » : Le mariage au carrefour de la vie privée et de l’intérêt public par Claire Carlin, in: La Médiatisation de la vie privée XVe-XXe siècle, p. 151-162). Chapitre VII, La Stérilité, "on a appliqué cette maladie aux deux sexes, parce qu'en effet, l'homme sans être impuissant, peut être stérile." Pour le Tome 2 : Chapitre I, Le Mariage.  Chapitre II, Les Coutumes de quelques Nations dans la cérémonie du Mariage. Chapitre III, Les Influences du Mariages sur la santé : "l'union des sexes influe sur la santé, soit en bien soit en mal." Chapitres IV et V, Des Parties qui dans les Sexes servent à la Génération (IV, L'homme, V, La femme) : "Les détails anatomiques étaient absolument nécessaires pour mettre le lecteur à porter d'entendre ce qu'on doit dire de la puberté, de la génération, des hermaphrodites, etc." Chapitre VI, De la Puberté et de la Virginité. Chapitre VII, De la Liqueur séminale, & du Flux Périodique. Chapitre VIII, La Génération, "ce mystère que la Nature voile à nos yeux & sur lequel on n'a que des conjectures".

Les 12 planches gravées sur cuivre représentent, de façon très explicite (un exploit pour l'époque ?), l'anatomie des organes génitaux masculin et féminin et ainsi que des positions de fœtus dans la matrice.

Dans ce livre, notre Auteur fait explicitement référence à Nicolas Venette (La Rochelle, 29 mai 1633 - 18 août 1698) qui a publié, en 1686 à Amsterdam, ce que l’on peut considérer comme la première encyclopédie française d’éducation sexuelle, qui porte le titre de Tableau de l’amour conjugal considéré dans l’état du mariage, ouvrage considéré comme le premier traité de sexologie en Occident. Véritable best-seller, il a connu 33 rééditions jusqu'en 1903. De Lignac en critique pourtant quelques erreurs et apporte sa touche personnelle avec une lecture plus moderne de la sexualité et des difficultés conjugales. En particulier, dans une approche originale, il évoque dans le premier volume les tempéraments, qui est une étude psychologique pour apprécier la propension de l’homme au mariage ou au célibat, donc à la sexualité, et les médicaments aphrodisiaques ou anti-aphrodisiaques susceptibles d’en modifier les avatars, abordant au passage l’impuissance et la stérilité. Il fait aussi table rase de quelques légendes traditionnelles sur les aphrodisiaques.

Pour aller plus loin :  Claude Lamboley, "Les médecins de l’amour du XVIe au XVIIIe siècle, ...", Académie des sciences et Lettres de Montpellier [en PDF][en ligne].  Élise Éberlin et Antoine Follain, "Du droit féminin au plaisir et de l’impuissance d’un mari - Le Tribunal de l’impuissance dans le village de Clairegoutte dans le pays de Montbéliard au XVIIIe siècle", in: Histoire & Sociétés Rurales 2020/2 Vol. 54, pages 151 à 178. [en ligne]. "L’hygiénisme au XVIIIe siècle et l’éducation des jeunes filles" par Juan Jiménez-Salcedo, Presses universitaires de Rouen et du Havre, p. 141-152 [en ligne]. "Une encyclopédie pionnière en matière de sexologie : le Tableau de l’amour conjugal de Nicolas VENETTE", site du Dicopathe [en ligne].

Louis François Luc de Lignac (Pont-Sainte-Maxence, 1740 - Liège, mai 1809 des suites d'une «attaque»). Son père, Pierre de Lignac, était médecin. Il fit ses études médicales à Paris et exerça d'abord son art dans sa ville natale qu'il quitta rapidement pour s'installer à Lille (1772). A l'invitation de Jean Jacques Tutot, éditeur de l'Esprit des journaux (E.J.), il émigra à Liège (1774) ou, avec l'aide de l'abbé Outin, il prit en main la rédaction du périodique. 

Réf. 2855 D4