GIRARDIN Jean Pierre "Leçons de chimie élémentaire appliquées aux Arts industriels et faites le dimanche, à l'École municipale de Rouen" [Tome I et II : Chimie inorganique - Chimie organique]

Passionnant ouvrage permettant une vision d'ensemble des connaissances de chimie industrielle et, surtout, des pratiques de l'époque.

Titre complet : "Leçons de chimie élémentaire appliquées aux Arts industriels et faites le dimanche, à l'École municipale de Rouen avec 200 Figures et Échantillons d'indiennes intercalés dans le texte".

Éditeur : Fortin, Masson et Cie, Paris, 1846. Troisième édition.

Deux volumes. Grands in-8 (14,7 x 22,8 cm). Reliures identiques pour les deux volumes. Reliure demi parchemin crème à coins avec quelques taches. Plats marbrés bleus. Dos lisses avec pièces de titre fauves et titre doré. Papier jauni avec des taches et rousseurs assez marquées. Bon exemplaire de cette rare troisième édition malgré les défauts annoncés.

Pagination continue entre les 2 tomes avec au total XLV + 1 + 1054 pages, des illustrations en noir dans le texte et complet de ses 23 échantillons de toiles teintes contrecollés dans le texte.

Le texte se présente comme la retranscription littérale des 52 leçons données par l'auteur pour les ouvriers à l'école municipale de Rouen. On y trouve bien sûr le point des connaissances chimiques de l'époque mais aussi d'intéressantes disgressions sur l'histoire de la chimie et de ses découvertes et des descriptions des procédés utilisés à la fois pour extraire et purifier les substances actives intéressantes pour l'industrie et leurs utilisations pratiques. L'auteur insiste particulièrement sur les substances colorantes des tissus dans une période où cette industrie était en cours de fort développement, avec 23 échantillons de toiles teintes. La chimie organique reste encore une "chimie de recettes" car les molécules actives sont à peine en cours d'identification par la science de l'époque. L'auteur s'attarde peu sur les aspects théoriques.

Tome I : Chimie inorganique, XLV pages (Faux titre, Titre, Avertissement pour la troisième édition, "Aux ouvriers de Rouen", Table des matières des deux parties), une page d'Errata non chiffrée, texte de la page 1 à la p. 500. Contient les Leçons de I à XXV  : I. Notions générales. II et III. De l'Air. IV et V. De l'Eau. VI à VIII. Du Carbone (avec les différents types de charbons et de houilles). IX. des phénomènes de la Combustion et de la Flamme. X et XI. Du Phosphore et du Soufre. XII. Du Chlore. XIII. Des composés de l'Azote. XIV à XVI. Des Métaux. XVII et XVIII. Des Composés métalliques de la 1er Section (alcalins et alcalino-terreux et la poudre). XIX. Des composés du calcium. XX. De l'Alumine (alun mais aussi silice qui lui est associée dans les minéraux). XXI. Métaux de la 3eme Section (fer, zinc, chrome). XXII et XIII. Métaux de la 4e et de la 5e sections (étain, antimoine, arsenic, cuivre, plomb, bismuth. XXIV. Métaux de la 6e section (mercure, argent). XXV. De l'Or - Du Platine.
Tome II : Chimie organique, texte de la page 501 à la p. 1054. Contient les Leçons de XXVI à : XXVI. Notions générales. XXVII. Principes immédiats acides (acides oxalique, tartrique, citrique, malique). XXVIII. Suite des Principes immédiats, Première section : acides tannique et gallique et les encres - Deuxième section  : principes immédiats basiques ou alcalins. XXIX. Principes immédiats neutres ou indifférents (sucres). XXX. Suite (gommes et mucilages, pectine, amidon, dextrine). XXI. Suite (lignine, cellulose, albumine, gélatine,). XXXII. Principes immédiats sur-hydrogénés (corps gras, huiles, margarines). XXXIII. Suite des corps gras (blanc de baleine, cire d'abeille, savons...). XXXIV. Suite des corps sur-hydrogénés (huiles volatiles, camphre, résines, caoutchouc, ...). XXXV. Principes immédiats colorans (sic) (la couleur, laques, ...). XXXVI. Suite des Principes immédiats colorans (historique de la teinture dont le pourpre). XXVII. Suite des Principes immédiats colorans (principes de la teinture, mordans (sic), ...). XXXVIII. Suite des Principes immédiats colorans (toiles peintes, impression, ...) avec 19 échantillons de toiles teintes aux pages suivantes [complet] : 733 (3), 734 (2), 735 (2), 736 (2), 738 (1), 739 (2), 740 (2), 741 (1), 743 (2), 744 (2). XXXIX. Composition et Propriétés chimiques des Organes (organes des végétaux, papier, fibres, ...). XL. Suite de l'étude des Organes des végétaux (racines, pomme de terre, garance, ...) avec 3 échantillons de toiles teintes aux pages suivantes [complet] : 780 (1), 782 (1), 786 (1). XLI. Suite de l'étude des Organes des Végétaux (bois résineux et dérivés, écorces, salicine -acide salicylique du saule qui sera la matière première de l'aspirine, mais environ 70 ans plus tard-, liège, ...). XLII. Suite de l'étude des Organes des Végétaux (feuilles, bétel, coca, thé, indigo, ...). XLIII. Suite de l'étude des Organes des Végétaux (fleurs , fruits et semences, céréales, gluten, lichens, noix de galle, ...). XLIV Suite de l'étude des Organes (les organes des animaux, os, dents, peau, muscles, corne, laine, ...). XLV. Suite de l'étude des Organes des animaux (matières liquides, sang sérum, fiel, bleu de Prusse...) avec un échantillon de toile teinte p. 904. XLVI. Suite des Organes des animaux (lait et dérivés, acide urique , urée, calculs urinaires, carmin de cochenille, ...). XLVII. Suite des Organes des animaux (soie, germination, nutrition, digestion, conversion des alimens en chyme, action des plantes sur l'atmosphère, ...). XLVIII. Phénomènes chimiques qui apparaissent dans les organes après la cessation de la vie (décomposition, fermentation -les "fermens" (sic) restent un mystère et "la fermentation ou la putréfaction semblent être spontané ... de très petites quantités de matière qui ont subi cette altération sont capables de reproduire les mêmes phénomènes dans des quantités indéterminées des mêmes substances non altérées" p. 955-, vin, cidre,...). ILIX. Suite de la fermentation vineuse (bière, houblon, eau-de-vie, alcool, ... avec une gravure en coupe d'un alambic à pleine page, p. 982). L. Suite de la fermentation vineuse (éther, poudres fulminantes de mercure et d'argent, fermentation acide, vinaigre, esprit de bois et ses applications). LI. suite de la fermentation acide (acétates, acétates de cuivre, d'alumine, putréfaction dans l'air, sous terre et dans l'eau, terreau, gaz inflammables, bitumes, succin, gras des cadavres, tourbe). LII. Suite de la fermentation putride - Moyens de retarder et d'empêcher la Putréfaction (dessication, froid, cuisson, procédé d'Appert, alcool, sucre, sels, fumage, embaumemens (sic) chez les anciens, ...)

D'après Bernadette Bensaude-Vincent, Antonio García Belmar, José Ramón Bertomeu Sánchez [in : L’émergence d’une science de manuels - Les livres de chimie en France (1789-1852) p. 77 en PDF] : "... le record de popularité et de longévité revient aux Leçons de chimie faites le dimanche à l’Ecole municipale de Rouen de Jean Pierre Louis Girardin, rééditées 8 fois entre 1835 et 1889. ... C’est le livre qu’achètent Bouvard et Pécuchet, les deux personnages autodidactes (NB. et ridicules) croqués par Flaubert, lorsqu’ils décident de s’instruire en chimie. A quoi tient le succès d’un ouvrage aussi sérieux, qui présente la chimie de manière descriptive et aussi technique que les traités de Payen ou d’autres, suivant l’ordre du simple au complexe et la division classique entre métalloïdes et métaux ? Le ton militant adopté par Girardin est sans doute une raison : « La science ne devient tout à fait utile qu’en se faisant vulgaire », déclare-t-il en exergue. Ses procédés de vulgarisation sont redoutablement efficaces pour transmettre de robustes notions : qu’on en juge par cette remarque de Flaubert. Alors que de la lecture du manuel de Regnault, Bouvard et Pécuchet retiennent que les corps simples sont composés et gardent une impression de flou et de contradiction, ils ont appris chez Girardin que tous les êtres vivants sont composés des mêmes éléments que les minéraux et se sentent humiliés parce que leur corps contient du phosphore comme les allumettes et de l’hydrogène comme les réverbères."

Jean Pierre Louis Girardin (16 novembre 1803, Paris - 29 mai 1884, Rouen) est un chimiste français. Formé au Collège de France à Paris, il est nommé professeur de chimie à Rouen en 1828, titulaire de la chaire de chimie (1838) à l'école départementale d'agriculture jusqu'en 1857. Il contribue au développement de la chimie et est membre correspondant de l'Académie de médecine. Il est nommé directeur de l'école supérieure des sciences et des lettres de Rouen à sa création en 1855.
Successeur de Louis Pasteur à Lille, il devient doyen et professeur de chimie à la faculté des sciences de Lille de 1857 à 1862, où il publie de nombreuses études. Il supervise également l'École des arts industriels et des mines de Lille (École centrale de Lille). Il donne des cours sur les machines à vapeur de type Woolf, sur la combustion et les combustibles, sur les fertilisants et la distillation sucrière.
Après avoir été recteur de l'académie de Clermont, il retourne à Rouen où il redevient directeur de l'école des sciences appliquées.

REF. 273 G4